LA BROQUE – SALM
L’histoire de La Broque est liée à celle de la principauté de Salm. Dans l’article suivant, l’essentiel de cette « histoire » est rappelé. L’ouvrage « La Broque, ancienne terre de Salm » de Marie-Thérèse et Gérard Fischer paru en 1988, pourra apporter au lecteur une approche plus complète.
L’étymologie de La Broque viendrait du mot Gaulois « Brocco » dont le sens topographique évoquerait un éperon défriché, un lieu à la fois à l’abri des inondations de la rivière et à côté de points d’eau. La confusion avec « Vorbrück » est traditionnellement entretenue parce qu’elle fait paraître son pendant « germanique » comme plus ancien, ce qu’invalident les sources écrites anciennes qui placent le village dans le domaine dialectal Lorrain. Un prieuré bénédictin appelé par la suite Vicpodi cella est fondé vers l’an 800 à proximité de La Broque par l’abbé Vicpode de Senones. Un petit habitat s’y constitua et ne fut plus désigné jusqu’à nos jours que par Vipucelle. Dans la façade d’une maison de la rue du repos de Vipucelle est encastré un bas-relief funéraire d’époque gallo-romaine représentant un couple en buste. Cet ornement classique des anciennes villas gallo-romaines suggère qu’un habitat s’y était constitué dès cette époque. La Broque (avec Saâles) serait donc l’un des plus anciens lieux habités de la moyenne et haute vallée de la Bruche. Au début du XIIIe siècle, le comte Henri III de Salm, voué de l’abbaye, fit bâtir un château dans la montagne. Ses successeurs devinrent progressivement les maîtres du pays. En 1598, un tirage au sort attribua une partie de l’actuelle commune (Vipucelle, Fréconrupt, les Quelles et une moitié de La Broque) au comte Jean IX, et l’autre (Albet, Vacquenoux et le reste de La Broque) à son beau père le rhingrave Frédéric ALBET, également comte de Salm.
Par le jeu des héritages, le lot de Jean IX passa aux Ducs de Lorraine et celui du rhingrave à ses descendants devenus princes de Salm à partir de 1623. En 1751, un nouveau partage créa la Principauté autonome de Salm-Salm avec Senones comme capitale, qui englobait tout le Ban de Vipucelle (ou ban de Salm), formé de ce qui compose aujourd’hui les deux communes de La Broque et Grandfontaine. En 1793, les Révolutionnaires Français annexent la principauté après l’avoir soumise à un blocus économique. La Broque fut alors incorporée au département des Vosges. A l’issue de la guerre franco-allemande de 1870 et en échange du canton de Belfort, le traité de Francfort détacha en 1871 la commune du département des Vosges pour la joindre au Reichsland Elsass-Lothringen. Après la libération de 1918, elle resta dans le Bas-Rhin. La deuxième Guerre Mondiale vit l’installation à La Broque d’un camp de redressement (pour alsaciens récalcitrants) dit de « Schirmeck ». Il ne reste plus sur ce lieu de douleur qu’une seule construction. La commune est depuis deux siècles la plus peuplée de la Haute-Vallée de la Bruche. Elle contribue et participe pleinement au dynamisme économique et culturel du canton dont elle fait partie.
LA BROQUE : DES COMTES AUX PRINCES DE SALM-SALM
Une histoire placée sous le signe de la féodalité Au service des souverains lotharingiens dès le IXe siècle, la famille comtale fonda le château et la ville de Luxembourg avant de se subdiviser en une seconde branche. Celle-ce pris le nom du ruisseau Salm qui traverse un territoire compris de nos jours dans l’Ardenne belge et dont elle était inféodée. Les armes anciennes étaient un écu de gueule à deux saumons adossé d’argent accompagnés de sept croisettes d’or. Vers 1080, Hermann, évêque de Metz, investi Hermann Ier de Salm, anti-roi de Germanie, de la charge d’avoué épiscopal. Les Salm se lièrent rapidement aux principales dynasties de Lorraine dont les puissantes familles de Dabo, de Metz et de Bar. Hermann II devient protecteur de la riche abbaye de Senones au début du XIIe siècle. Par son mariage avec Agnès de Bar, veuve du comte de Langenstein, et héritière des terres et du château de Pierre-Percée, il installe pour des siècles le destin de sa famille en Lorraine. Entre 1205 et 1225, Henri III de Salm fit bâtir un château sur un sommet situé aujourd’hui sur le territoire de la commune. Son petit fils développa le commerce du sel et du fer. Il exploita rationnellement les puissants gisements minéralisés de fer et de cuivre de Framont à Grandfontaine. N’étant pas propriétaire du terrain, des querelles s’élevèrent avec le propriétaire du sol, l’abbé de Senones, lequel fit intervenir le puissant évêque de Metz, Jacques de Lorraine. Les mines furent détruites vers 1260, mais aussitôt réédifiées. En 1459, à la suite d’une alliance, le pouvoir échut au Rhingrave Jean V. Vers 1550, les comtes prirent la décision de ne plus payer les redevances de location du château, manifestant ainsi leur droit de propriété. Le comté de Salm-en-Vosges s’agrandissait petit à petit, au fil des alliances et des négociations, avec Badonviller pour capitale.
LE COMTÉ DEVIENT UNE PRINCIPAUTÉ
À la fin du XVIe siècle, Jean IX, comte de Salm, et Frédéric, comte sauvage du Rhin et de Salm, se partagent le comté de manière indivise. La fille du premier épousa le futur François II de Lorraine, entraînant une partition du territoire. La partie nord resta comté et fut progressivement assimilée au duché de Lorraine. La partie sud fut érigée en principauté en 1623, après que l’empereur Ferdinand II éleva le Rhingrave Philippe-Otton prince de Salm. En contre-partie, celui-ci renonçait au protestantisme. Le XVIIe siècle fut pour la vallée de la Bruche une grande période de conflits. La guerre de Trente Ans (1618-1648) fut la plus désastreuse. Dépeuplements et ruines entraînèrent une longue paupérisation. Ce ne fut réellement qu’avec la mort de Louis XIV (qui annexa Strasbourg en 1681) que les menaces de guerre s’évanouirent totalement. Dans cette même période s’installa une population originaire principalement du canton de Berne en suisses et de religion réformée dans les nombreuses fermes isolées de la région. Succédant localement aux premiers arrivés, des helvètes de religion anabaptiste-mennonite s’installèrent à leur tour dans les métairies de Salm dès la fin de la première moitié du XVIIIe siècle. Ainsi Salm devint un haut lieu du mouvement anabaptiste-mennonite dans les Vosges jusqu’à leur départ progressif vers le milieu du XIXe siècle.
LA PRINCIPAUTÉ DE SALM-SALM
Par son mariage en 1719 avec sa cousine Dorothée, princesse de Salm, Nicolas Léopold, prince de Salm, crée la dynastie des princes de Salm-Salm. Le 21 décembre 1751, une nouvelle partition du territoire fut conclu entre le prince et Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine. Aux termes de cet accord, le prince obtint, en toute propriété, la partie de l’ancien comté situé au sud-est de la vallée de la Plaine qui comprenait une trentaine de localités : Senones, qui devint la capitale, Ménil et Saint-Maurice-les-Senones, Vieux-Moulin et les Frénot, Allarmont, Albet, La Broque, Grandfontaine (avec les forges de Framont), Fréconrupt, Vipucelles et Les Quelles, Plaine, Champenay, Diespach, Saulxures, Bénaville et le Palais, La Petite-Raon, Paulay, Raon-sur-Plaine, Celles, Moussey, Belval, Saint-Stail, Grandrupt, Le Vermont et Vexaincourt, soit une population d’environ 10 000 habitants. Dom Augustin Calmet, abbé de Senones, contribua à faire connaître la principauté dans des ouvrages traitant de l’histoire de la Lorraine. Voltaire lui-même fut son invité en 1744 et 1754. Pour ne pas engager directement la France, le prince Emmanuel de Salm-Salm et son régiment furent pressentis pour venir en aide aux Américains dans leur lutte contre l’Angleterre, mais l’ambition de Lafayette fit échouer ce projet. La Révolution française poussa les princes à quitter la principauté dès 1790 pour aller habiter leur château d’Anholt en Westphalie. La situation alimentaire s’aggrava rapidement car les denrées provenant de France ne pouvaient plus pénétrer en territoire étranger. Les habitants n’eurent d’autre choix que de demander leur rattachement à la France. L’annexion fut effective le 17 mars 1793. Le régiment de Salm fut dissous le 1er janvier 1791 ; il devint le 62e de ligne qui s’illustra à la bataille de Valmy. Le syndicat d’initiatives de Senones a choisi de mettre en valeur ce passé historique, reconstituant une section de ce régiment et organisant certains dimanches, pour les touristes, une relève de la garde. Les cultures de seigle, de sarrasin, d’orge, de pomme de terre et de froment étaient les plus représentatives des sols de moyenne montagne que complétait le travail du lin et du chanvre. De nombreuses scieries étaient installées sur les cours d’eau pour y exploiter le bois tiré des vastes forêts de feuillus et de résineux. Le gibier était essentiellement représenté par le lièvre et la perdrix, le chevreuil et le cerf étant rares. Des truites, des lottes, des écrevisses et des ombres étaient pêchées dans les rivières. On y trouvait également beaucoup d’arbres fruitiers, des cerisiers en quantité. Malgré les apparences la nature restait assez chiche et économiquement peu rentable. Néanmoins le sol recelait des ressources minières ferrifères considérables attestées dès le XIIIe siècle à Framont-Grandfontaine, mais aussi à Saulxures et à Champenay-Plaine. En 1832, les exploitations minières et métallurgiques produisaient annuellement 1500 tonnes de fonte et y faisaient vivre 1513 personnes uniquement concentrées à Grandfontaine. La société des forges de Framont fut dissoute en 1863 et remplacée par de nombreuses usines de tissage. Une partie de l’habitat de la Broque (lancée à Vipucelle par l’Anglais John Heywood, dont la tombe est visible au cimetière de La Broque, et à La Claquette) rappelle encore l’implantation de ces usines dont la dernière ferma ses portes vers 1966.
Le château connut ensuite une occupation humaine continue du XIVe au XVe siècle favorisant le développement d’activités artisanales de forge, de poterie de terre, de raffinage de fer et de cuivre. Son rôle politique s’accru encore avec l’achat du baillage épiscopal de Schirmeck en 1366 ; c’est probablement dans cette période qu’eurent lieux d’importants travaux d’agrandissement justifiés par une population castrale plus importante et de défense en réponse à l’utilisation généralisé des canons de siège. Pourtant le château tombe inexplicablement en ruine sans doute vers le milieu du XVIe car c’est ainsi qu’il est signalé en 1564. Il est finalement bombardé par l’artillerie française en 1914. L’histoire du château se poursuit.
UN HÉRITAGE À PRÉSERVER
Dans le souci de préserver et de valoriser le souvenir de l’identité du Château de Salm, l’association « Les Veilleurs de Salm » a vu le jour en juin 2004. Elle est présidée par M. Raoul ROHMER.
Le Château de Salm a été pris en charge par ce dernier dans le cadre du programme départemental des « Veilleurs de châteaux forts ».
De plus, plusieurs campagnes de débroussaillage des vestiges et des abords sont réalisées tous les ans sous la direction de M. Mathias HEISSLER, archéologue du patrimoine.
Le Maire Jean-Bernard PANNEKOECKE n’hésite pas a souligner « Il y a une volonté forte de La Broque pour préserver cet héritage. Toutefois, une commune peut faire beaucoup mais pas tout. Avec des partenaires comme les « Veilleurs de Salm » et l’Office National des Forêts, je suis assez confiant ».
Il est à noter que M. Raoul ROHMER et ses « Veilleurs de Salm » ont déjà passé quelques 250 heures à débroussailler les alentours de la ruine et procèdent à des travaux de remise en état et consolidation des ruines.
Pour de plus amples information sur la Principauté de Salm et plus particulièrement sur le Château de Salm.
Anecdote
Devenu persona non grata en principauté de Salm et s’étant vu octroyer un délai de trois jours pour en quitter le territoire, Voltaire se confondit en remerciements sur ce délai si généreux qui lui était accordé pour quitter un territoire « dont un escargot ferait le tour en une journée » selon lui.